L'asile

« Etablissement de bienfaisance », ce lieu d’enfermement où le droit n’entrait pas, où la folie justifiait l’arbitraire, je m’y suis engouffrée,

avalée par le long de ses couloirs.

J’y ai rencontré Ethève.

Elle m’appelait « mon petit ».

Ses yeux tous plissés m’invitaient à quelques pas, sous les marronniers.

Dans sa voix, j’entendais son accent, venu de la Corrèze.

Elle était ici, hors du temps. Il lui restait, de sa vie, ce brin de tendresse, cette humanité.

Que dire d’Ali ?

Il se débattait avec ses hallucinations.

Seul l’alcool, semblait en venir à bout.

Un jour, il m’a raconté.

D’Algérie, il s’était engagé pour fuir la misère.

Il revivait la guerre, celle du Vietnam ; celle qui l’a définitivement anéantie, celle contre son pays, malgré les cachous.

C’est de lui, que j’ai compris la question du traumatisme.

Haldol, Nozinan ne pouvaient rien contre ses démons.

La société s’est mise à compter.

Ali a été poussé vers la rue, errant d’hôtels miteux en logis délabrés.

Aujourd’hui, je suis revenue de cet asile.

Ce mot, maintes fois interrogé, m’obsède encore aujourd’hui.

Le droit à être là, doit se justifier.

La demande d’asile refusée, semble dévoiler comme un mensonge.

Tout est mélangé.

La demande d’asile politique est vue sous l’angle des accords entre les pays, alors l’on décrête si certains pays sont sûrs, ou pas.

Pourtant, des témoignages nous interrogent.

Pour les autres, la demande à vivre ici, doit se justifier.

Les besoins de main d’œuvre dans les métiers dits « sous tension » nous permettent quelques « tolérances ».

Nous affichons une volonté de solidarité, quand ce qui nous anime est la recherche d’un certain exotisme, de la distraction…

La voix des étrangers ne compte pas dans ce jeu, ils ne votent pas. Les fantasmes de l’invasion vont bon train et vous nous incitez à nous taire.

En attendant, c’est votre silence qui me pèse, c’est votre absence.

Vous représentez la France, à l’échelle de ma ville.

Je vous invite à ses valeurs, déclinez-les, vraiment.